Actualités Juridiques

COVID-19 : règles relatives aux entreprises en difficulté

L’ordonnance n°2020-341 est venue adapter les règles relatives aux entreprises en difficulté soumises au Livre VI du Code de commerce.

Ses dispositions sont applicables aux procédures en cours.

La fixation de la date de cessation des paiements

La date de cessation des paiements est gelée au 12 mars 2020.

Durant la période de l’état d’urgence sanitaire (soit en l’état du 24 mars au 24 mai 2020) et jusqu’à trois mois postérieurement (soit jusqu’au 24 août 2020) les entreprises seront réputées avoir cessé leur paiement au 12 mars 2020.

Par soucis de clarté, nous désignerons la période du 24 mars 2020 au 24 août 2020, la « période exceptionnelle ».

Le Tribunal ne pourra pas apprécier la situation des entreprises entre le 12 mars 2020 et le 24 août 2020 et fixer la date de cessation sur cette même période.

Les débiteurs pourront donc bénéficier des procédures préventives bien qu’ils soient en état de cessation des paiements durant cette période. Il en sera de même pour l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.

Unique restriction prévue par le texte : seul le débiteur pourra être à l’initiative d’une demande d’ouverture de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou d’un rétablissement professionnel en raison de l’aggravation intervenue durant cette période.

Le site Tribunal Digital permet à ces derniers de mettre en œuvre ces nouvelles dispositions de manière dématérialisée.

La cristallisation de la date de cessation des paiements écarte également les éventuelles sanctions personnelles qui pouvaient être encourues par le débiteur tardif.

L’action en report prévue à l’article L. 631-8 du Code de commerce reste ouverte.

Enfin, le texte réserve naturellement le cas de la fraude.

Une communication dématérialisée

La saisine de la juridiction par le débiteur

Jusqu’au 24 juin 2020, le débiteur peut déposer une demande d’ouverture d’une procédure préventive devant le Président du Tribunal, une demande de sauvegarde ou une déclaration de cessation des paiements devant Tribunal « par tout moyen ».

La communication entre les organes de la procédure

Durant cette même période, la communication entre le Tribunal, le Greffe et les organes de la procédure peut se faire par tout moyen, évitant ainsi la formalité via un dépôt au Greffe, contraire aux règles sanitaires actuelles.

La conciliation : une durée prolongée de plein droit

Initialement, la procédure de conciliation peut être sollicitée devant le Président du Tribunal pour une durée maximale de 4 mois et renouvelable une fois, sans que la durée totale ne soit supérieure à 5 mois.

Dorénavant, la durée de la conciliation est renouvelée automatiquement pour d’une durée de
3 mois après l’état d’urgence sanitaire, soit jusqu’au 24 août 2020.

En outre, en cas d’absence d’accord, la période de carence de 3 mois entre deux conciliations est supprimée jusqu’au 24 août 2020.

Le report général des délais imposés aux organes de la procédure

Le texte prévoit de manière générale le report « des délais » imposés aux organes de la procédure (mandataire liquidateur, administrateur, commissaire à l’exécution du plan).

Le Président du Tribunal analysera au cas par cas la demande formulée par les organes de la procédure et pourra reporter ces délais jusqu’au 24 août 2020.

La durée des plans de continuation

Le texte distingue selon que l’on se situe durant « période exceptionnelle » ou postérieurement.

Au cours la « période exceptionnelle »

Le Président du Tribunal, saisi sur requête du Commissaire à l’exécution du plan, sera compétent pour autoriser une prolongation jusqu’au 24 août 2020.

Sur requête du Ministère public, le Président du Tribunal peut autoriser une prolongation d’une durée maximum d’un an (soit jusqu’au 24 mai 2021).

Aucune condition particulière n’est posée par le texte, le report relevant donc de l’appréciation souveraine du Président du Tribunal.

A l’expiration de la « période exceptionnelle »

A la fin de la « période exceptionnelle » et jusqu’au 24 février 2021, c’est le Tribunal qui sera compétent pour accorder au débiteur, sur requête du Commissaire à l’exécution du plan ou du Ministère Public, une prolongation d’une durée maximum d’un an.

Une nouvelle fois, aucune condition n’est prévue par le texte.

En outre, le débiteur est exclu dans les deux cas, bien qu’il soit le premier concerné par l’exécution de son plan de continuation.

Il devra donc passer par les contraintes d’une demande de modification substantielle du plan prévue à l’article L. 626-26 du Code de commerce.

Ces dispositions viennent en complément des règles relatives aux délais (ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020) qui permettent un report jusqu’au 24 août 2020.

La période d’observation

L’audience à 2 mois de l’ouverture du redressement judiciaire supprimée

Cette audience systématiquement fixée dès le jugement d’ouverture permet au Tribunal d’ordonner la poursuite du redressement judiciaire au regard des capacités financières du débiteur.

Cette audience est automatiquement supprimée jusqu’au 24 juin 2020.

Cette disposition est justifiée : un débiteur ayant bénéficié de la protection du Tribunal antérieurement au prononcé de l’état d’urgence rencontrera des difficultés à prouver qu’il dispose des capacités financières pour poursuivre la période d’observation, notamment lorsque ce dernier a fait l’objet d’une fermeture administrative et que son chiffre d’affaires est nul.

Ainsi, le débiteur est maintenu en période d’observation de plein droit.

Toutefois, le texte n’écarte pas l’éventuelle demande de conversion en liquidation judiciaire.

Le délai de la période d’observation et des plans prorogés de plein droit

Les délais relatifs à la période d’observation, au plan, au maintien d’activité et à la période de liquidation judiciaire simplifiée sont prolongés de plein droit pour une durée de 3 mois.

L’intervention de l’AGS étendue

L’Assurance de garantie des créances salariales (AGS) intervient dans les délais légaux majorés de 3 mois.

Outre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture, l’AGS couvrira l’ensemble des créances résultant de la rupture des contrats de travail :

  • Durant la période d’observation ;
  • Dans les 4 mois suivant le jugement qui arrêtant le plan de continuation ou de cession ;
  • Dans les 3 mois et quinze jours (ou 3 mois et vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde est élaboré) suivant le plan de cession ;
  • Durant le maintien provisoire d’activité et dans les 3 mois et 15 jours (ou 21 jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré) suivant la fin de ce maintien d’activité.

De la même manière, tous les délais prévus en procédure de liquidation judiciaire sont augmentés de 3 mois.

Ainsi, l’AGS garantie toutes les sommes dues dans la limite d’un mois et demi de travail :

  • Au cours de la période d’observation ;
  • Au cours des 3 mois et 15 jours (ou 21 jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré) suivant le jugement de liquidation judiciaire ;
  • Au cours des 3 mois suivant le jugement de liquidation pour les représentants des salariés ;
  • Pendant le maintien provisoire d’activité et au cours des 3 mois et 15 jours (ou 21 jours en cas de plan de sauvegarde de l’emploi) suivant la fin du maintien d’activité.

Par ailleurs, le Mandataire judiciaire doit, jusqu’au 24 août 2020, transmettre le relevé des créances salariales « sans délai » à l’AGS pour favoriser une prise en charge accélérée.

Rappelons que, dès le 19 mars 2020, l’AGS a déclaré soutenir les entreprises exposées à la crise actuelle entre le 16 mars 2020 et le 30 juin 2020 et :

  • Faciliter l’adoption des plans de continuation au travers l’octroi de délais de paiement exceptionnels ;
  • Procéder au règlement des créances salariales des entreprises en difficulté sur simple demande et sous la responsabilité du Mandataire judiciaire, sans vérification des exigences légales (Juge-Commissaire et représentant des salariés).
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