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La rupture abusive de crédit ne rentre pas dans le champ d'application de L. 650-1 du Code de commerce

Dans un arrêt rendu le 23 septembre 2020, la Cour de cassation apporte une précision importante sur le périmètre d'application de l'article L. 650-1 du Code de commerce.

Rappelons que ce texte fixe un principe de non-responsabilité des founirsseurs de crédits du fait des concours consentis à un débiteur préalablement à l'ouverture d'une procédure collective, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou lorsque les garanties prises en contrepartie des concours apparaissent disproportionnées.

La Haute juridiction précise que seul l'octroi des crédits peut donner lieu à l'application de l'article L.650-1 du Code de commerce, et non leur retrait.

Les faits

Deux établissements bancaires avaient dénoncé les concours consentis à une société quelques mois avant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

Le liquidateur judiciaire désigné ainsi que l'actionnaire du débiteur, sous procédure de sauvegarde, saisissent les juges du fond d'une action en responsabilité contractuelle contre les banques sur le fondement de l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier relatif à la rupture abusive des concours.

En défense, les établissements bancaires opposent les dispositions de l'article L. 650-1 du Code de commerce pour voir écarter leur responsabilité.

Cette argumentation convainc les juges de première instance et d'appel. 

Le liquidateur judiciaire forme un pouvoi devant la Cour de cassation soutenant que les dispositions de l'article L. 650-1 du Code de commerce étaient inapplicables.

    LA REGLE DE DROIT

    La Cour de cassation accueille les moyens du pouvoi et casse l'arrêt de la cour d'appel : 

    "En statuant ainsi, alors que, les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce ne concernant que la responsabilité du créancier lorsqu'elle est recherchée du fait des concours qu'il a consentis, seul l'octroi estimé fautif de ceux-ci, et non leur retrait, peut donner lieu à l'application de ce texte, la cour d'appel a, par fausse application, violé celui-ci."

    En effet, il faut bien distinguer le champ d'applications de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier de celui de l'article L. 650-1 du Code de commerce.

    Le premier tend à faire respecter les formes et délais aux établissements de crédit pour protéger les débiteur de toute rupture brutale ou abusive. Le second, institué par la loi de sauvegarde de 2005, a pour objectif d'inciter les établissements de crédit à apporter leurs concours aux entreprises en difficulté.

    La Cour de cassation confirme cette distinction rappelant que la rupture de crédit ne rentre pas dans le champ d'application de l'article L. 650-1 du Code de commerce de sorte que les deux établissements bancaires ne pouvaient s'en prévaloir pour écarter leur responsabilité.

    Mais l'arrêt va plus loin : l'article L.650-1 du Code de commerce ne viserait que "l'octroi estimé fautif". Or, le texte vise la responsabilité des fournisseurs de crédit "du fait des concours consentis".

    La Cour de cassation rajoute donc au texte : c'est l'octroi du concours qui pourra être considéré comme fautif et donc susceptible d'engager la responsabilité de son fournisseur.

    Dans le contexte économique actuel où les entreprises ont besoin de financement, on peut s'interroger sur l'opportunité de cet arrêt.

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