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L'omission de la déclaration de cessation des paiements : une simple négligence ?

L'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire permet au liquidateur désigné par le tribunal d'agir en responsabilité pour insuffisance d'actif à l'égard des dirigeants de droit ou de fait ayant commis des fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance.

L'article L. 651-2 du Code de commerce enferme cette action dans un délai de trois ans à compter de la date du jugement de liquidation.

La loi SAPIN II a modifié cet article, précisant que la simple négligence du dirigeant de droit ou de fait écarte sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif.

La frontière entre la faute de gestion et la simple négligence est perméable et ce, d'autant plus, qu'aucune définition légale n'est fixée, laissant les juges libres d'apprécier souverainement ces deux notions.

De manière constante, la jurisprudence estime que l'omission de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours constitue une faute de gestion engageant la responsabilité du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif.

Pourtant, par un arrêt récent publié au bulletin (3 février 2021, n°19-20.004), la Cour de cassation analyse cette omission sous le prisme de la simple négligence et non de la faute de gestion.

Une analyse s'impose.

EN FAIT

Suite à l'ouverture d'une liquidation judiciaire, le liquidateur assigne les Présidents successifs de la société liquidée en insuffisance d'actif leur reprochant de ne pas avoir déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours.

Selon le liquidateur judiciaire, cette omission serait constitutive d'une faute de gestion au sens de l'article L. 651-2 du Code de commerce.

Ses demandes sont rejetées par les juges du fond.

Le liquidateur forme un pourvoi soutenant que l'omission de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal ne peut constituer une simple négligence du dirigeant dans la mesure où ce dernier avait connaissance de la cessation des paiements de son entreprise.

En effet, les diligences réalisées par les dirigeants successifs pour surmonter les résultats déficitaires de la société (cession d'une partie du fonds de commerce, augmentation de capital) démontraient leur connaissance de l'état de cessation des paiements.

Bien que le raisonnement juridique du liquidateur semble fondé, la Cour de cassation rejette le pourvoi.

EN DROIT

La Cour de cassation analyse l'omission de déclaration de cessation des paiements sous le prisme de la simple négligence en raison du moyen formulé par le liquidateur judiciaire.

Ainsi, le moyen selon lequel l'omission de la déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal ne peut constituer une simple négligence qu'à la condition que celui-ci ait pu ignorer cet état n'est pas fondé.

L'existence d'une simple négligence permet de faire échec au jeu de l'action en responsabilité, sans pour autant "réduire l'existence d'une simple négligence à l'hypothèse dans laquelle le dirigeant a pu ignorer les circonstances ou la situation ayant entouré sa commission" précise la Cour de cassation.

L'omission de déclaration de cessation des paiements, connue par les dirigeants, est insuffisante à caractériser la simple négligence.

Le "revirement" proclamé par certains auteurs est en réalité limité au fait que la Cour de cassation retenait la responsabilité pour insuffisance d'actif sans qu'il ne soit nécessaire de rechercher la connaissance par les dirigeants de l'état de cessation des paiements.

Rejetant le pourvoi, la Haute juridiction permet d'écarter toute responsabilité des dirigeants en l'espèce. 

Ce qui semble être sanctionné est l'abstention de toute réaction d'un dirigeant qui connaissait l'état de cessation des paiements de son entreprise.

Le domaine de la faute de gestion s'amenuise au profit d'une conception plus large de la simple négligence.

Les dernières réformes et jurisprudences récentes tendent à sanctionner le dirigeant "malhonnête", au lieu du dirigeant de bonne foi "malchanceux".

Cet arrêt rentre dans cette volonté de consacrer un droit au rebond ... Et il faut s'en féliciter.

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