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La tierce opposition de l'actionnaire évincé par le plan de redressement

La recevabilité de la tierce opposition en matière d'entreprises en difficulté forme un contentieux récurrent.

L'arrêt rendu le 31 mars 2021 par la Cour de cassation semble inédit en la matière, la tierce opposition ayant été formée par un actionnaire évincé suite à un coup d'accordéon opéré via un plan de redressement du débiteur.

EN FAIT

Une société anonyme fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire à l'issue de laquelle, un plan de redressement est adopté par le tribunal.

Ce plan prévoit une réduction de capital à zéro euro, suivie d'une augmentation de capital au profit d'un tiers qui devient seul et unique actionnaire de la société.

L'assemblée générale de la société approuve ce coup d'accordéon.

L'un des actionnaires sortants forme tierce opposition, jugée irrecevable par les juges d'appels lesquels estiment que la réduction du capital à zéro ne constitue pas une atteinte au droit de propriété des actionnaires mais sanctionne leur obligation de contribuer aux pertes sociales dans la limite de leurs apports.

L'actionnaire se pourvoi en cassation faisant valoir :

  • Sur le fondement de l'article 583 du Code de procédure civile : la représentation des associés par le représentant légal de la société est limitée aux hypothèses où l'atteinte aux droits ou au patrimoine des associés n'est que la conséquence indirecte de l'atteinte aux droits ou au patrimoine de la société. L'atteinte à la qualité d'associé, via la perte de cette qualité et son droit préférentiel de souscription, doit s'analyser en une atteinte directe aux droits ou au patrimoine de l'associés,
  • Sur le fondement de l'article 6§1 de la CEDH visant le droit d'accès au juge.

EN DROIT 

Au seul visa de l'article 583 du Code de procédure civile, la Cour de cassation accueille le pourvoi :

"si l'associé est, en principe, représenté, dans les litiges opposant la société à des tiers, par le représentant légal de la société, il est néanmoins recevable à former tierce-opposition contre un jugement auquel celle-ci a été partie s'il invoque une fraude à ses droits ou un moyen qui lui est propre"

En principe, l'associé est représenté, au sens de l'article 583 du Code de procédure civile, par le représentant légal dans tous les litiges opposant la société, de sorte que la tierce opposition n'est pas recevable.

Toutefois, la Cour de cassation a admis à plusieurs reprises cette voie de recours au regard du droit fondamental de l'accès au juge prévu à l'article 6§1 de la CEDH, notamment lorsque le tiers concernés était un actionnaire d'une société civile et ce, compte tenu de leur responsabilité indéfinie et solidaire aux dettes sociales.

Cet argument a également été repris dans les moyens du pourvoi formé par l'actionnaire sortant des faits d'espèce. Seul l'article 583 du Code de procédure civile est visée par la Cour de cassation laissant penser qu'il n'y aurait plus lieu de distinguer selon la forme sociale.

Le droit positif offrirait donc à l'actionnaire évincé par un plan de redressement la voie de la tierce opposition à l'encontre du jugement adoptant ce plan sur le fondement de l'article 583 du Code de procédure civile. La recevabilité de la tierce opposition reste conditionnée à la charge probatoire de l'existence de moyens propres ou lorsque le jugement a été rendu en fraude de leurs droits.

Sur l'existence de moyens propres, la Cour de cassation a rappelé qu'un moyen propre est celui distinct de ceux pouvant être invoqués par les autres créanciers (Com., 1er juillet 2020, n°18-23.884).

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